—Le passé de Mlle. Wilbrecht – elle n'aime pas être appelée « Madame » – n'est un secret pour personne. Née le 6 mai 1959, fille aînée d'un professeur d'université allemand et d'une opticienne-optométriste américaine, l'enfance de Marilyn et de sa sœur, Grace, fut, tel qu'il lui plaît de la qualifier, d'une douceur inouïe. Élève brillante, elle intégra l'université de New York et se spécialisa en histoire dans le but de devenir plus tard spéléologue. Obstinée, parfois même opiniâtre, tout au long de sa vie, Marilyn prouva à tous que sa détermination ne connaissait aucune limite et que rares étaient les objectifs qu'elle n'avait pas su, ou pu, atteindre. Aussi, elle mit tout en oeuvre pour sortir son épingle du jeu. S'il fut loin d'être amusant, rythmé par de nombreuses heures de travail, son parcours universitaire fut néanmoins excellant. La vie de Marilyn Wilbrecht se déroula sans embûche jusqu'en novembre 1988. Lors de l'exploration d'une grotte écossaise, elle fut témoin pour la première fois, non sans effroi, d'une forme de biologie magique. En effet, Marilyn et son collègue, aussi son fiancé et futur troisième mari – Marilyn se lasse vite des hommes –, Walter Mathesson, découvrirent l'existence d'un filet du diable qui s'était massivement développé à l'intérieur d'une cavité difficile d'accès. Pris tous deux de panique quand la plante les immobilisa à l'aide de ses tentacules, cette dernière desserra toutefois son emprise après avoir été brûlée à plusieurs reprises par les lampes frontales des deux non-majs, dont la lumière était de forte intensité et se dirigeait dans tous les sens à cause des mouvements de tête qu'ils faisaient en cherchant un moyen de se délivrer. Ils prirent péniblement la fuite. Marilyn, stupéfaite par cette « pieuvre végétale », se renseigna auprès d'un ami proche, Donald Cornfeld, botaniste de son métier, célèbre pour ses vastes connaissances en science des végétaux. Aussitôt lui raconta-t-elle son histoire, les épais sourcils de Donald se froncèrent. Ne souhaitant pas douter trop vite de la stabilité mentale de son amie, il entreprit de son propre côté des recherches. Bien sûr, Donald ne trouva aucune trace de l'existence d'une telle plante, pas même d'une espèce y ressemblant. Il prit le temps d'expliquer à Marilyn qu'il y avait peu de chance pour qu'un pareil organisme existe ou, tout au moins, se comporte de la manière dont elle lui a décri. La botanique le prouvait aisément. Peut-être, elle et Walter, avaient-ils souffert d'hallucinations à la suite de l’inhalation d'une moisissure toxique présent sur les lieux ?
— Après discussion avec Walter, ils s'accordèrent tous les deux sur le fait qu'ils n'avaient pas été drogué par dieu seul sait quel champignon et décidèrent de se lancer dans une exploration d'un tout nouveau genre. Lars Morgen, symbologue autrichien, nourrissant une passion, prétendument secrète, pour le vaste catalogue de l'occultisme, accepta de se joindre à eux. Le voyage les fit traverser nombre de contrées et, s'ils étaient avant tout parti en quête d'une quelconque trace d'un organisme pouvant avoir des propriétés « extraordinaires », comme ce fut le cas avec cette fameuse « pieuvre végétale » qui était capable d'identifier et d'immobiliser ses victimes, ils recueillirent sur leur chemin des témoignages tout aussi étonnants qu'intéressants. En Irak, ils examinèrent un Mimbulus Mimbletonia, qu'ils nommèrent vulgairement « cactus foetulentus » (cactus malodorant), après avoir découvert avec horreur qu'il projetait un liquide épais et vert, dégageant une odeur infecte, pour se défendre. Ils s’arrêtèrent également dans plusieurs musées et bibliothèques afin de se documenter au mieux. Une fois triées, les informations restantes constituaient, pour certaines, des preuves suffisamment solides pour en tirer quelque chose. La présence d'une activité magique dans ce monde ne faisait aucun doute pour Marilyn et Lars. Moins pour Walter qui y voyait plutôt la possibilité d'une avancée scientifique, explicable par les connaissances dont disposait l'humanité, s'écartant donc des idées de ses collaborateurs qu'il jugeait souvent sévèrement, pensant qu'ils s'étaient laissé bercer par les histoires fantasques de quelques villageois. En 1994, six mois après leur retour à New York, Marilyn suggéra l'idée de fonder une association dont le but serait d'offrir l’opportunité aux gens de s'exprimer sur ce sujet sans craindre ni le jugement ni la moquerie et de réunir, par la même occasion, les fonds nécessaires pour approfondir davantage la question et, peut-être, démontrer un jour l'existence de la magie. Ayant hérité, par le passé, d'une importante somme à la suite du décès de son grand-père, Lars proposa son aide financière, à condition d'avoir le titre de co-fondateur. Walter et Marilyn, qui s'étaient mariés pendant ces dernières années, divorcèrent à la suite des nombreux conflits qu'engendrèrent l’opposition de leurs opinions. Entre autres, puisque Walter remarqua aussi un rapprochement évident entre Lars et son épouse. Le 5 mars 1996, l'association, portant le nom de The Green Faces, vit le jour dans le Bronx, jouissant du soutien de plusieurs bienfaiteurs qui prirent la décision, risquée, de parier sur les convictions, bien qu'habituellement mal accueillies, de Marilyn Wilbrecht et de Lars Morgen.
—L'évolution des Green Faces requit du temps et de la patience. Au fil des années, les locaux purent être agrandi et aménagé respectablement. Afin d'éviter les mauvaises plaisanteries, le nombre d’adhérents connaissant une croissance acceptable, Marilyn et Lars finirent par engager un psychiatre spécialisé dans la détection du mensonge, Tybalt Parthalon, à temps partiel. Ayant pour mission de vérifier la véracité des déclarations qui lui étaient adressées, en 1999, il s'intéressa tout particulièrement au cas de l'orpheline Rosie Steadworthy, une adolescente assurant avoir été témoin de la fin tragique et inexpliquée de son père qui, d'après elle, tomba après avoir été heurté par une intense lumière verte. Tybalt ne vit aucune signe de mensonge chez Rosie et, surtout, lui diagnostiqua un grave choc post-traumatique, justifiant notamment ses difficultés pour communiquer et s'intégrer dans le cadre scolaire. En effet, Rosie, âgée de huit ans à l'époque, échappa à la vigilance du sorcier qui assassina son père pour une raison qui demeure encore aujourd'hui inconnue, aussi aucun sortilège d'amnésie ne fut pratiqué sur elle. Rosie fut longtemps le témoignage le plus poignant dont disposait l'association. En 2002, Marilyn rendit visite à son ex mari, Walter, habitant désormais l'Arizona, pour comprendre pourquoi il ne lui donnait plus de nouvelles depuis plusieurs mois. Elle s’aperçut vite qu'il n'avait plus aucun souvenir de ce qu'il avait pu vivre près d'elle, ni même de sa décision d'écrire un article à ce propos pour une revue. Walter ne souffrait d'aucun autre symptôme en dehors de l'amnésie partielle. Malgré un sentiment de menace, elle poursuivit ses travaux coûte que coûte aux côtés de son ami, et maintenant amant, Lars. Pendant l'année 2015, le nombre d’adhérents gonfla considérablement. Si les Green Faces l'ignorent, ce phénomène peut pourtant être expliqué par les agissements des Renards Rouges qui empêchent le MACUSA d'oublietter certains Non-Majs témoins de magie. Peu inquiété par l'existence d'un tel mouvement, qui plus est mal considéré par la population non-maj, le MACUSA estime avoir mieux à faire pour l'instant et être en mesure de corriger facilement la situation si elle finit par devenir un quelconque problème. Bien qu'une petite surveillance a été récemment mise en place autour des locaux, les Green Faces n'ont, à première vue, rien d'une réelle menace.

Si, pendant des années, les Green Faces se fièrent aux valeurs pacifiques et idéalistes de Mlle. Wilbrecht, ces dernières se désagrègent désormais. Bien qu'il existe toujours des membres qui ont soif d'informations et autres explications, qui s'impliquent dans la recherche de nouvelles preuves, se documentent, vont sur le terrain après avoir été alerté d'un quelconque événement pouvant impliquer de la magie, parfois même jouissent de la générosité de Marilyn et sont salariés au sein de l'association, depuis 2015, les Green Faces accueillent des gens qui ont un tout autre rapport avec l'existence de la magie. Il semblerait que ce soit Rosie Steadworthy, aujourd'hui âgée de 33 ans, la pomme pourrie du panier des Green Faces. Nourrissant une haine féroce pour la magie, gardée secrète jusqu'ici, elle adhéra à la mentalité offensive d'une petite quantité de Non-Majs qui souffrirent, comme elle, des méfaits de la sorcellerie, et profite de son influence au sein de l’association pour l'étendre au plus grand nombre. Lars, étant décédé au début de l'année 2016 d'un cancer des poumons contre lequel il se battait depuis plusieurs mois, Marilyn, en deuil et fatiguée, se retrouve alors seule à la tête d'un mouvement qui lui échappe un peu plus à mesure que le temps passe. Sans qu'elle ne le sache, Rosie cherche de plus à obtenir le soutien de certaines structures religieuses. Plusieurs des bienfaiteurs décidèrent toutefois de se retirer, craignant que les dons faits à l'association ne soient détournés à mauvaises fins, après avoir eu vent de la récente tournure des événements.