C'était la baguette à la main et le visage concentré que Remus parcourait les bois, son regard glissant ça et là entre les arbres pour s'assurer que rien d'anormal ne vienne troubler les activités du campement. Peut-être était-il désormais à environ deux kilomètres de là, guidé par ses pas bien plus que par son mental. S'il avait toujours été d'un sérieux sans pareil quant à la protection, lui ayant valu dans un premier temps une place de membre de l'Ordre du Phénix, attribuée si longtemps auparavant qu'il lui semblait désormais que les souvenirs de cette époque appartenaient à une autre vie, puis dans un second temps un poste de professeur de défense contre les forces du mal à Poudlard, Remus semblait perturbé, ces derniers jours. Son attention vrillait parfois de ce qui l'entourait à ce qui le tourmentait, et ses réflexions ne cessaient jamais avant que, enlacé par la nuit, le sommeil vienne le cueillir pour le plonger dans les bras de Morphée ; mais même ses rêves n'étaient plus aussi beaux qu'ils avaient pu l'être à une époque. L'esprit du sorcier semblait se plaire à le malmener autant durant la journée que lorsqu'il était censé trouver du repos. Ses rêves comme ses réflexions ne pouvaient s'empêcher de rejoindre inlassablement le même sujet : Nymphadora, et sa grossesse. Qu'importait le sujet lancé sur la table alors qu'ils discutaient de la survie du camp, de la façon de le renforcer, de le nourrir, le faire vivre, de continuer l'enseignement des plus jeunes sorciers qui n'avaient plus accès au calme des salles de classes de l'école. Immanquablement, Remus finissait par penser à elle, eux, et les risques qui les entouraient. Chaque chose autre fois insignifiante prenait un air menaçant à ses yeux, et si le sorcier avait l'habitude de voir dans le reflet de son miroir une fatigue qui creusait sous ses iris bleues des cernes violacées, s'il n'était plus surprit de sentir son ventre se tordre dans un mélange d'anxiété et de peur qu'il canalisait du mieux qu'il pouvait pour ne pas en marquer les autres, Remus sentait ses traits s'émacier un peu plus chaque jour à cause de ces différents facteurs ; son esprit ne parvenait pas à s'arrêter de tourner, de refaire le monde avec des « si ». Chaque événement insouciant se voyait remanié de toutes les façons possibles, mettant en scène des suites de gestes, des situations qui pourtant ne trouveront jamais d'écho dans la réalité ; face à cette agitation mentale, Remus tentait de trouver les solutions qui auraient pu, de telle ou telle façon, parvenir à la sortir de l'embourbement dans lequel elle aurait eu la possibilité se trouver. Mais cette obsession le rendait bien souvent trop peu conscient de ce qui se passait autour de lui. S'il avait été pendant longtemps un des maîtres en la matière des sortilèges de protection, aujourd'hui, son esprit vagabondait bien trop pour lui permettre de prétendre aux compétences qu'il avait pourtant autrefois acquis et qui, malgré tout, étaient toujours présentes, mais paraissaient bien moins accessibles qu'elles ne devraient l'être. Sifflant un léger soupir entre ses lèvres, Remus releva la tête lorsque son pied buta contre la racine d'un arbre, le ramenant à la réalité. Les doigts entourant le bois de sa baguette qu'il tenait devait lui, il regarda autour de lui, s'arrêtant quelques secondes de marcher. Un court instant, il prit le temps de humer l'air humide et boisé de la forêt, tendit l'oreille pour écouter entre les chants des quelques oiseaux de sortie. Il secoua doucement la tête, passa une main légèrement tremblante – elles l'étaient souvent, ces temps-ci, pouvant rendre par moment ses sortilèges un peu moins précis qu'ils ne devraient l'être – entre les mèches parsemées par endroit d'un gris nouveau, et la laissa retomber mollement le long de son corps. Il s'humecta les lèvres, reprit sa marche, bien plus attentif qu'il ne pu l'être au début, quand bien même des questions continuaient d'aller et venir au fur et à mesure qu'il se frayait un chemin parmi les arbres. Était-ce donc ça, s'apprêter à devenir père ? La peur au ventre, le questionnement constant, et l'idée d'avoir peut-être gâché la vie de son enfant avant même qu'il ne soit venu au monde ? Ses dents se plantèrent doucement dans l'intérieur de ses joues, lui ramenant à nouveau les pieds sur Terre. Ça n'était pas le moment pour de pareils questionnements, et il le savait. Risquant de se replonger dedans à un moment ou à un autre – il nota mentalement le fait de ne plus partir seul en patrouille, peut-être qu'ainsi il pourrait oublier un moment de réfléchir –, il reprit une nouvelle fois son chemin au travers de la verdure qui, mordue par la fraîcheur d'un début d'automne, perdait peu à peu de ses couleurs verdoyantes pour se teinter d'un rouge, triste reflet de la situation actuel du monde sorcier anglais. Tapant plusieurs fois sa langue contre son palais, Remus tourna brusquement la tête lorsqu'un bruit se fit entendre derrière lui. Il détailla silencieusement arbres et buissons, scruta ce qu'il pouvait y trouver. Le bruit recommença un peu plus loin. Resserrant ses doigts un peu plus fort autour de sa baguette, il s'avança le plus silencieusement possible de la source du bruit, prêt à jeter un sortilège. À pas de loup, Remus s'approcha et, lorsqu'une silhouette apparue dans son champ de vision, le réflexe le rattrapa : « Expelliarmus. » il lança, presque dans un murmure. La silhouette se figea et le bruit se stoppa quelques secondes, instaurant dans le cœur de la forêt un silence qui ne put être troublé que par l'agitation d'une respiration. Rapidement, la silhouette se précisa : jeune femme, début vingtaine, longs cheveux bruns, visage légèrement typé asiatique, yeux noirs. La surprise vint marquer le visage de Remus, qui haussa légèrement les sourcils face à la vision de son ancienne étudiante. « Miss Spinnet ? » Son regard continua de redessiner les pourtours de son visage, alors qu'il s'approcha un peu plus d'elle. Rangeant sa baguette dans l'étui qu'il portait contre sa hanche, à la ceinture de son jean, il se baissa pour récupérer celle de la jeune femme, qu'il prit soin de déposer près de la sienne. Il posa finalement doucement une main sur l'épaule d'Alicia, dont le regard trahissait la fatigue, la peur, l'angoisse qu'elle pouvait ressentir.